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Presse

24 Heures
Françoise Jaunin

20-21 mai 2000

Couleurs en liberté surveillée
Delphine Sandoz ne peint pas des corps, elle peint avec son corps, avec son
instinct, avec une belle énergie qui l'engage toute entière dans l'acte de
peindre. Rien à voir pour autant avec une peinture " tripale " qui
projetterait sur la toile ses pulsions profondes ou ses états d'âme. Ce
qu'elle veut peindre, c'est la peinture elle-même. Sans sujet ni discours.
Sans titre ni commentaire. 
La peinture qui donne à un carré de toile une existence propre, y crée un
espace à soi, bâtit la couleur en liberté surveillée, construit
d'improbables structures transparentes qui se font et se défont, et
s'invente elle-même en se faisant, comme un acte existentiel et jubilatoire.
Entière et portée au geste spontané, la jeune Lausannoise joue sans filet.
Faisant la part belle au blanc qui exalte le chant de la couleur, sa
peinture laisse peu de place au repentir : ça passe ou ça casse, à
l'instinct, au culot, à la gourmandise de la couleur. Parfois la tension se
relâche et les choses paraissent un peu plus gratuites, mais Delphine
Sandoz mise sur ces petits états de grâce qu'il faut traquer longuement,
obstinément, et être prêt à cueillir dans la fulgurance de l'instant. Tel
est son beau pari : elle le relève parfois avec une belle autorité. 

Textes

Delphine est son double

Galerie Aarlo u Viggo, Buchillon, du 9 septembre au 18 novembre 2023

Pour Delphine Sandoz, La peinture n'est en rien un simple exutoire, mais plutôt un travail profondément préventif du désastre. C'est l'art du façonnement de la terre, la fusion du sang et la danse avec la mort. Alors que la couleur émerge des nuances de gris et du noir, elle ne se contente pas de se distinguer, mais s'unit harmonieusement à eux. Chez Delphine, tout est enchevêtré et inséparable : sa pratique artistique prend forme à partir du gris subtilement coloré. Elle puise son inspiration en observant Van Velde, en écoutant les murmures de Morandi, en capturant l'essence d'O’Keeffe, et en marchant côte à côte avec Kahlo.

Dans son univers, regarder devient une victoire, une plongée dans des mondes nouveaux et à la fois vus et revus, une exploration de sensations et d'émotions. Écouter se transforme en une symphonie intérieure, une harmonie entre la surface et l'artiste. Embrasser se révèle comme une étreinte passionnée avec la création, une union fusionnelle entre la vision et la réalisation. Marcher se traduit en une danse gracieuse avec le pinceau, une progression fluide et déterminée.

Ainsi, chaque coup, chaque teinte, chaque nuance travaillée devient une victoire personnelle, un triomphe sur papier. La peinture de Delphine Sandoz transcende les limites conventionnelles pour devenir une expérience profonde et envoûtante, où le processus artistique devient une symphonie visuelle de regard, d'écoute, d'embrassade et de marche.

Chacun de ses travaux résonne comme un craquement, flirtant avec la limite de la cassure et de l'accident. Ici, le bruit sert d'avertissement, signalant une occurrence, un événement survenu, un os brisé, une respiration suspendue, en attente de la suivante qui pourrait ne jamais arriver. C'est dans cette incertitude fragile que le signe distinctif de Delphine émerge, agissant comme un baume pour colmater les fissures potentielles avec une urgence vitale et une énergie violente qui empêche le point de non-retour.

Chaque coup de pinceau est une danse audacieuse avec le désastre, où les teintes elles-mêmes semblent jouer à l'équilibriste entre l'harmonie et le chaos. Comme un funambule, Delphine orchestre un ballet envoûtant entre la tension et l'apaisement. Les fissures menaçant de s'ouvrir, de perturber l'harmonie fragile, sont transformées en des lignes de force, des mouvements délibérés évoquant la résistance face à l'inévitable.

Son art agit comme un catalyseur, capturant l'essence de la vie dans toute sa fragilité et sa complexité. Chaque papier devient un champ de bataille où le conflit entre la rupture imminente et la sauvegarde se joue intensément. Delphine parvient à saisir l'instant précédant le point de non-retour, ce moment suspendu où la décision cruciale est prise, où l'équilibre est préservé grâce à son geste créatif déterminé.

Dans cette danse entre l'instabilité et la maîtrise, Delphine Sandoz explore la frontière même de l'art et du chaos, offrant au spectateur une expérience viscérale et émotionnelle qui déclenche un dialogue intime avec la fragilité de l'existence. Chaque œuvre devient ainsi un témoignage vibrant de la volonté humaine de transcender la menace de la rupture et d'embrasser l'essence même de la création.

par Jean-Marie Reynier

15 août 2023, Chateau-d’Oex / Perroy

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Mémoire du vivant

La Ferme de la Chapelle, Genève

D’abord il y a la couleur, puis vient la forme. Une forme qui se répète depuis ses débuts, et qui revêt les traits du contenant, du vase. Les grands aplats de couleurs vives, où prédominent le bleu ciel intense, le rose bubble-gum, le carmin et le noir, s’organisent sur la toile pour recréer un espace entièrement pictural. Enfouis sous ces couches flamboyantes, on devine des éléments que l’artiste inclut, bouts de tissu ou papiers anciens qui donnent de l’épaisseur à la peinture et lui confèrent une autre matérialité. Tout est exploration dans ce travail qui est gestuel sans être tripal, où l’on sent très fortement cette connexion entre la couleur et les émotions, sans pour autant en être agressé, car la violence est contenue, puissante et déterminée comme une énergie vitale qui sous-tend les compositions. Dans un dialogue continu, la forme et la couleur se répondent pour s’extraire de l’abstraction et se plonger dans une dimension schématique, sensorielle, émotionnelle, celle délimitée par le rectangle de la toile. Si le vase est récurrent dans l’œuvre de Delphine Sandoz depuis les premières créations, la figure humaine a fait son apparition pendant une période et tend progressivement à s’estomper, comme un souvenir qui s’enfouit à nouveau dans l’oubli. La mémoire joue d’ailleurs un rôle essentiel dans ce travail ainsi que l’expérience de vie, que l’artiste mêle à ses couleurs pour les restituer dans un vocabulaire dense de matière colorée éclatante, et déroutant par les formes si simples et énigmatiques en même temps. Sa maîtrise de la palette chromatique apporte à ses toiles une immédiateté de perception, facilitée par l’absence d’éléments inutiles et par ce langage pictural essentiel et pur.

Nicole Kunz

2015

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Delphine Sandoz : l’air de rien

Galerie Bertrand Hassoun, Besançon, novembre-décembre 2015.

Delphine Sandoz semble ne rien imposer : ou plutôt juste ce qui peut être utile. Mais dans « l’à peine ». Objets et visages flottent dans l’aire du cadre et l’air de ses acryliques. Les œuvres sont faites de superpositions. Alternent et cohabitent des formes plus ou moins évanescentes comme autant des   « revenants » imprévus, instables loin de revêtements ornementaux ou de protection. Chaque peinture interroge la relation entre forme et fond. Tout se complexifie en différents types de fluides. Ils se refusent à accepter une vulgaire mission de servitude représentative tout comme celle de sacrifier au coupe gorge de la peinture à thèse. 

 

Delphine Sandoz se dégage de telles impasses et poursuit son travail éloigné de la « confection » d’images toutes faites qui ne chercher qu’à flatter. Il existe là ce que Schopenhauer demandait à l'art : " la suppression et l'anéantissement du monde ». Ou tout au moins son détournement. Face aux images solaires du monde la Lausannoise opte pour l'émergence d'images plus « léthéennes » et énigmatiques. Le mystère demeure. Et pour cause : l’artiste cherche à traquer l’incompréhensible. Surgit de la sorte une image sourde où l’identité du monde et de l’être reste un abîme. L’artiste fait de ses œuvres le réceptacle pour y puiser un sens.

Jean-Paul Gavard-Perret

Décembre 2015

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Delphine Sandoz : absorptions sans titres ni commentaires

Pour la Lausannoise Delphine Sandoz la peinture est une chair. Le support la mange de manière plus ou moins avide. L'artiste y induit parfois un corps. Il surnage puis replonge sans forcément se noyer.  Mais il ne faut pas se tromper : le seul corps qui compte est celui de la peinture. Dans l'absence (apparente) de toute maîtrise apparaît un abandon programmé et travaillé. La créatrice remonte vers les origines des formes et des couleurs. La matière provoque la naissance d'un lieu où la lumière avale l'ombre dans une forme d'abstraction  ni géométrique, ni inspirée par une spiritualité « intellectualisante ». Chaque œuvre est un voyage : Delphine Sandoz  permet d’y repérer les paysages les plus insondables, les plus retirés par jaillissements, épanchements ou apaisements.

La créatrice pose des taches sur l’obscur avec l’ambition de secouer les images plus que de résumer le visible. Silencieuse au milieu de son atelier elle tente de le recomposer. Par effet de surface il s’agit d'entrer dans l'organique loin du roman des choses mais dans l’aventure de la peinture. Comme dans le miroitement perpétuel des reflets de l’eau surgissent des formes et des couleurs de l’indicible  qui espère pénétrer le mystère de la peinture tout en l’élargissant. Preuve que la peinture - dont on annonce périodiquement la fin - réveille par l'organique une inquiétude métaphysique en un saisissement qui s’éloigne de tout artifice. Avec Delphine Sandoz elle brise le mur de l’enfouissement, la paroi de l’antre. Des formes s’enfoncent, percent, se dédoublent et entrent en tension entre le partout et de nulle part, l'ici et le là-bas, pour atteindre cet endroit où les vrais artistes continuent de chercher.

Jean-Paul Gavard-Perret

Avril 2014

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Delphine Sandoz et Flynn Marie Bergman, « Sans titre », E.S.F ART+DESIGN, Lausanne, du 4 au 20 décembre 2013.


Delphine Sandoz et Flynn Maria Bergmann vivent et travaillent à Lausanne. Tous deux passent du collage à la peinture, du dessin au transfert sur les pages des livres qu’ils vénèrent. Pour l’exposition à l’E.S.F. Art + Design  ils proposent une toile immense. Elle situe  leurs expériences en une approche « gestuelle » dans laquelle deux expériences se confrontent et s’appellent en un dialogue créatif. En ce « Delflynn » se dessine à tout les sens du terme une poussée artistique double jusqu’à l’élaboration d’une œuvre où tout est permis.

La Lausanoise Delphine Sandoz trouve  chez Flynn Maria Bergmann un alter ego. L’Américain qui s’est encanaillé dans les des bouges américains avant d’enseigner dans une école de dessins fut formés aux arts visuels et influencé par les créateurs de la Beat Generation . Il est devenu le poète capable de mêler choses vues, blasons érotiques et graffitis. Son « Fiasco FM » envoie 112 poèmes en proses superbe, simple, douloureux. C’est pour l’auteur un moyen de se faire du mal et de se sauver par morceaux.  Chaque texte tente de réinventer l’amour et d’organiser son désordre. Même si comme Sœur Anne, Flynn Maria Bergmann ne vit jamais rien venir avant de rencontrer Delphine Sandoz. A deux ils réalisent ce poème optique où ovulent des corps mais en  un univers physique et mental  « chaosmique ».  Entre Delphine Sandoz et Flynn Maria Bergmann se produit  l’éclosion  d’un monde. Il s’éparpille entre le ludique  et le sérieux. La peinture dans ses méandres remonte le fleuve du réel, va jusqu’aux affluents du songe. Le monde perd son visage pour mieux le retrouver. Certes le couple aussi ironiquement démoniaque que mélancolique  ne caresse aucune illusion sur les misérables miracles de l’art, de la poésie et de l’amour. Néanmoins dans leur étrange bastringue ils créent de merveilleux tropismes et des voyages suspendus dans des transits qui tentent de sauver le monde des naufrages.

Jean-Paul Gavard-Perret

Décembre 2013

 

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